Né le14 juin 1931, Jean-Yves fut le 13e d’une famille de 17 enfants. Son père, qui avait perdu sa première femme (dont il avait eu trois enfants), épousa la mère de Jean-Yves. Avec elle, il eut quatorze autres enfants. Jean-Yves a vécu son enfance et une partie de son adolescence à Rimouski, petite ville du Québec, située aux au bord de l’estuaire du fleuve St-Laurent.
Jean-Yves avait des projets d’avenir et rêvait de voyages. Au début de son adolescence, il fut pris en charge par la communauté des Pères du St-Esprit (Congrégation du Saint–Esprit, missionnaires Spiritains) pour poursuivre ses études et rejoindre les rangs de cette communauté religieuse. Jean-Yves partit pour Hull (Québec) afin de débuter son cours classique. Tout au long de ses études, il a gagné plusieurs prix pour l’excellence de son travail.
Jean-Yves poursuivit ses études au Petit séminaire pendant cinq ans. Il continuait à rêver de voyage et d’aide humanitaire, et il chérissait le projet de devenir missionnaire en Afrique ou en Haïti afin d’aider les plus démunis. Après le Petit Séminaire, il fit deux années d’études supplémentaires en philosophie, et partit pour Montréal (Québec) afin d’entreprendre ses études au Grand séminaire. Tout en ayant de très bons résultats académiques, Jean-Yves développait aussi un esprit critique face à la morale catholique.
Jean-Yves fut impressionné par l’analogie. Il se dit : «Cela veut dire qu’il faut se donner une image de quelque chose que l’on ne voit pas pour que nous puissions l’appréhender. Les représentations que l’on se fait de Dieu doivent se faire à l’intérieur de notre monde en trois dimensions. Par exemple, nous nous représentons Dieu par le Christ. C’est la seule façon que nous avons de nous le représenter». Cette prise de conscience de la nécessité de tenir compte de la réalité observable forgea les bases de sa pensée.
En 1957, au cours de sa troisième année d’étude en théologie, Jean-Yves fit la lecture d’un livre écrit en latin par Maurílio Teixeira-Leite Penido : Le rôle de l’analogie en théologie dogmatique. Ce livre a eu une influence majeure sur sa pensée et sa perception de l’être humain, venant confirmer ce qu’il avait déjà compris : «Le discours sur Dieu est une analogie. Tout ce qu’on imagine doit prendre forme dans les lois du corps pour que nous puissions l’objectiver. Si l’objet de notre imagination n’existe pas dans la réalité, il s’agit d’une croyance qui fait appel à notre foi Par exemple, nous croyons en Dieu, nous avons la foi.».
Tout au long de son parcours religieux, Jean-Yves se questionnera sur les fondements mêmes de la religion et sur les règles morales qui l’entourent. Les règles touchant la sexualité le questionnaient tout particulièrement puisqu’elles étaient jugées et interprétées négativement. Il adhérait aux valeurs de l’Église, mais de moins en moins aux normes et aux règles qui tentaient de contrôler la sexualité par l’ignorance, le négativisme et la peur. Les écritures de Lowen, Reich et Master&Johnson furent marquantes puisqu’elles répondaient à plusieurs de ses questions. Ces auteurs apportaient une vision différente puisqu’ils tenaient compte de la réalité observable.
Le 14 juin 1959, jour de son vingt-huitième anniversaire, Jean-Yves fut ordonné prêtre au Séminaire de Rimouski. Les membres de sa communauté religieuse, qui avaient pour lui de grands projets, souhaitaient ardemment qu’il poursuive sa prêtrise et son engagement religieux à Rome. Jean-Yves, qui était déjà dans d’autres réflexions, décida plutôt de poursuivre des études de psychologie à l’Université de Montréal.
Pendant ses études de cycle supérieur en psychologie, Jean-Yves songeait très sérieusement à quitter la prêtrise puisqu’il ne se reconnaissait plus dans le discours de l’église.
En 1964, Jean-Yves termina sa maîtrise en psychologie. Au cours de la même année, en collaboration avec le Dr Manouvrier, il fonda l’Institut privé de Sexologie et d’Étude Familiale (ISEF). C’est dans le cadre de ces premiers enseignements que les ébauches du Sexocorporel prirent forme. Inspiré de ses nombreuses lectures de Reich, Kinsey, Freud, Master and Johnson et Lowen, Jean-Yves enseignait la sexologie à partir de la réalité.
De son côté, Jean-Yves vivait aussi de grandes remises en question. Au mois d’août 1967, ayant pris beaucoup de distance face à l’église, ne s’y reconnaissant plus et souhaitant poursuivre son rêve d’un enseignement universitaire de la sexologie, Jean-Yves quitta définitivement la prêtrise. Sa pensée ne correspondait plus aux enseignements de l’Église, et il ne se sentait plus porteur du message moral et normatif de sa communauté. Quelques mois plus tard, il fit la rencontre de Gislène, celle qui allait devenir son épouse.
L’année 1968 ne fut pas de tout repos pour Jean-Yves. Il ferma les portes de l’ISEF puisqu’une nouvelle université, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) voyait le jour et que c’était une occasion en or pour implanter le projet d’un enseignement universitaire en sexologie.
En 1969, l’UQAM accepta d’ouvrir un module d’éducation-sexologie composé de 10 cours, échelonnés sur une année. Jean-Yves Desjardins et Claude Crépaults en étaient les professeurs attitrés.
Le début des années 70 fut marqué par la création des premiers documents audiovisuels à visée éducative. Le premier document fut un disque audio intitulé «Ton sexe et l’autre» qui s’adressait aux préadolescents de 10-12 ans. Il avait pour but de leur donner une l’information sur la sexualité et sur la puberté. Un autre document produit en 1972 «Judith et Pierre» était présenté sous forme de diapositives avec un fond musical et s’adressait aussi aux adolescents.
L’année 1973 fut marqué par l’ouverture du «module de sexologie» avec un enseignement de 90 heures de cours, équivalent à un Baccalauréat. Et c’est en 1974 que le département de sexologie fut sera officiellement fondé et reconnu comme une entité à part entière.
La fin des années 70 et le début des années 80 ont été très chargés pour Jean-Yves. Tout en poursuivant son travail de professeur à l’université et ses consultations cliniques, il continuait à produire des documents audiovisuels pour un public très diversifié. En 1976, cinq documents virent le jour : «Paul et Hélène I» (le langage érotique), «Paul et Hélène II» (le langage des corps), «Paul et Hélène III» (les corps érotiques), «Clara et François» (l’érotisme et troisième âge) et «l’érotisme au féminin» (sexualité de la femme).
L’année 1978 a vu naître deux autres documents : «à mi-corps» (la sexualité d’une personne paraplégique) et «Amour, érotisme et grossesse» (la sexualité de la femme et du couple pendant la grossesse). En 1979, il a produit le document «Amour, érotisme et enfant» (la sexualité et de la famille), en 1980 le document sur «L’érotisme au masculin» (la sexualité de l’homme) et finalement, en 1981, «Les corps érotiques» (les habiletés érotiques de l’homme et de la femme) et «Vent du sud» (légende érotique amérindienne).
Au début des années 80, muni de tous ses documents audiovisuels, Jean-Yves fut engagé pour donner une série de conférences à travers le Québec. Pendant 2 ans, il offrit ses conférences dans des salles combles. Plus de 400 000 personnes eurent le privilège de l’entendre parler ouvertement et simplement de génitalité et d’amour
1980 fut aussi l’année de la mise en place du deuxième cycle d’études en sexologie. Cette reconnaissance et cette spécificité accordée à la sexologie était chers à Jean-Yves. Étant lui-même psychologue, il mesurait l’importance de reconnaître le sexologue comme un professionnel distinct ayant son propre champ de compétences.
Vers le milieu des années 1980, Jean-Yves a entretenu à la radio une chronique quotidienne, dans laquelle il répondait aux questions des gens à travers une ligne ouverte. Cette émission a duré quelques années et a permis à Jean-Yves de faire connaître au grand public l’importance et la pertinence de la sexologie. Toujours dans le même élan, il dirigea une revue «Vivre en amour» qui publia plus de 90 numéros et qui se vendit à travers le Québec.
En 1986, la Pr. Jole Baldaro Verde (professeure italienne et sexologue de renommée internationale) a ouvert les portes de l’Europe à Jean-Yves en l’invitant à venir présenter son approche à une équipe de médecins italiens. De cette première rencontre naquit le projet d’un premier séminaire à Montréal en mars 1987 avec un groupe d’italiens. La collaboration des italiens avec Jean-Yves se poursuivit jusqu’en 2008.
À la fin de l’année 1988, Jean-Yves prit sa retraite de l’université. Or, sa carrière était loin d’être terminée. Dès l’année 1989, une étroite collaboration débuta avec la Dre Claude Roux-Deslandes et le Centre International de Formation et de Recherche En Sexualité (CIFRES). Jean-Yves enseigna pour le CIFRES jusqu’en janvier 2009.
L’année 1996 fut aussi une année de grande réalisation au plan professionnel. Avec la collaboration de Nicole Audette, il produisit le film : « Le contrôle éjaculatoire, une histoire d’amour ». Ce document audiovisuel, beaucoup plus moderne que les précédents, présentait les grandes lignes du traitement de l’éjaculation rapide en Sexocorporel.
En 1998, Jean-Yves fit la connaissance du Dr Dominique Chatton. Cette nouvelle collaboration et l’implantation de la formation à Genève permirent au Sexocorporel de prendre de l’expansion, de se confronter à des visions très différentes et, par le fait même, d’asseoir des bases beaucoup plus solides.
En 2004, sous l’impulsion de Jean-Yves, de Dominique Chatton et d’Isabelle Chaffaï, un groupe de professionnels de différents pays se mobilisa pour fonder l’Institut Sexocorporel International – Jean-Yves Desjardins. L’objectif de cet institut était de créer une instance garante de la diffusion du Sexocorporel et de regrouper les professionnels travaillant avec cette approche. Jean-Yves fut très fier de la naissance de cet Institut et y voyait une reconnaissance de tout le travail qu’il avait accompli au cours de sa carrière.
De 2004 à 2009, Jean-Yves poursuivit ses enseignements au Canada, en France, en Suisse et en Italie. En 2008, à l’âge de 77 ans, Jean-Yves commença à éprouver quelques problèmes de santé.
Les dernières années de la vie de Jean-Yves furent marquées par la maladie, mais aussi par la famille et l’amitié. Plusieurs amis et collègues d’Europe vinrent lui rendre visite. D’autres amis et membres de la famille vinrent le visiter régulièrement. Jean-Yves était très affaibli, mais il avait gardé sa vivacité d’esprit. Gislene demeura auprès de lui pendant tout ce temps pour s’assurer de son bien-être et de son confort. Le 22 septembre 2011, Jean-Yves s’est éteint à l’âge de 80 ans. Il est mort chez lui, entouré des siens, comme il l’avait souhaité.
À la hauteur de son mètre quatre-vingt-neuf, tous se souviendront de Jean-Yves comme d’un Grand Homme. Grand par sa simplicité, son humilité, sa douceur, sa bonté et sa générosité. Grand aussi par sa rigueur, son authenticité et son infini savoir.
Jean-Yves était un homme qui n’avait pas peur du ridicule et qui accordait peu d’importance aux apparences. Pour lui, la richesse se trouvait en chacun de nous. Il savait mettre en lumière nos lignes de force afin que nous allions puiser au fond de nous le meilleur de nous-mêmes. Il donnait sans compter, aux plus pauvres comme aux plus riches. Jusqu’à la fin de sa vie, il a voulu mettre son savoir à la disposition de tous pour améliorer la vie des hommes et des femmes. Dès son tout jeune âge, il avait le rêve de voyager et de devenir missionnaire pour aider les plus démunis. Il n’est pas devenu missionnaire, mais il a accompli son rêve d’aide, de partage et de don de soi en faisant connaître une nouvelle façon de voir et de vivre la sexualité et l’amour.
Lire l’intégratilité du texte biographique en commandant la revue Hommage à Jean-Yves Desjardins